Le Soleil Opinions, lundi 14 février 2005, p. A17
Témoignage
Toutes les Églises ne sont pas contre le mariage gai
Je vis, depuis 11 ans, en couple avec ma conjointe, que j’aime et avec qui je désire partager le restant de ma vie. Nous vivons une relation épanouissante et normale, même si, en cours de route, nous avons dû traverser bien des obstacles dont le rejet de certains de nos proches et amis, la clandestinité au travail et l’absence de reconnaissance officielle de notre amour par la société et par l’État. Notre engagement aussi vrai qu’inconditionnel l’une envers l’autre a survécu l’épreuve du cancer qui m’a frappée et dont l’éclosion n’était, à mon avis, pas étrangère à ces souffrances.
En 1993, ma conjointe et moi nous sommes engagées devant trois témoins à partager notre vie dans l’amour. Cette fête à caractère religieux s’est vécue de façon privée. Nous n’osions pas espérer avoir un jour la possibilité de nous marier. Et pourtant, notre relation était en tout point semblable à celles de couples hétérosexuels, ces membres de la majorité qui ne savent pas ce que c’est de devoir réclamer un droit aussi fondamental que de dire « Oui, je le veux » devant les êtres qui nous sont chers.
Je suis croyante et pratiquante. Mais après avoir oeuvré et occupé diverses fonctions au sein de l’Église catholique pendant plus de 30 ans, mon cheminement spirituel m’a amenée, en 2001, à changer officiellement d’appartenance chrétienne en faveur de l’Église Unie du Canada. Je suis alors passée de la liberté intérieure à celle de la parole. J’ai trouvé un confort dans l’expression de ma foi et j’ai enfin pris ma place comme femme à part entière.
Contrairement à la croyance populaire, toutes les Églises ne sont pas contre le mariage entre conjoints de même sexe. Ainsi, l’Église unie du Canada l’Église Unitarienne Universelle et l’Église communautaire métropolitaine acceptent de célébrer de tels mariages. Elles appuient toutes le projet de loi fédéral concernant le mariage civil des couples de même sexe car elles proclament qu’il est possible de vivre à la fois sa foi et une relation conjugale avec une personne de même sexe et que les deux ne sont pas incompatibles.
Derrière le discours de plusieurs Églises envers le mariage des couples de même sexe se cache un autre discours qui est encore moins reluisant et qui a trait à l’homosexualité comme telle. Personnellement, je crois, comme l’a affirmé, en 2000, le 37e Conseil général de l’Église Unie – soit la plus haute instance décisionnelle dans l’église unie du Canada – que « les orientations sexuelles sont des dons de Dieu et qu’elles font partie de l’extraordinaire diversité de la création ». N’empêche, j’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi les membres du clergé qui condamnent l’homosexualité ou qui veulent imposer le célibat à vie aux personnes homosexuelles citent souvent des passages du Lévitique, ce livre de l’Ancien Testament qui approuve également l’esclavage, pourvu que les esclaves soient pris parmi les étrangers, ou qui nous a donné le fameux « oeil pour oeil, dent pour dent ».
Dans les Évangiles, Jésus de Nazareth n’a fait aucunement mention de l’homosexualité. Son message central est l’amour du prochain comme soi-même, pas de l’aimer à condition qu’il soit semblable à nous. D’ailleurs, Jésus n’a-t-il pas non seulement fréquenté, mais accueilli inconditionnellement les marginaux de son temps?
J’aimerais également qu’on m’explique pourquoi on dit à une personne comme moi qui est dans la cinquantaine, qui a connu la maternité biologique et adopté deux enfants, que le mariage existe avant tout pour des raisons de procréation et que c’est pour cela que ma conjointe et moi-même ne devrions pas y avoir accès. Or, à ce que je sache, les Églises qui nous tiennent ce discours ne refusent pas le mariage aux personnes hétérosexuelles ménopausées ou infertiles ou à celles qui ne désirent tout simplement pas d’enfants. Il faut le redire : l’engagement de deux personnes de même sexe qui désirent vivre et se jurer fidélité et soutien jusqu’à ce que la mort les sépare est aussi vrai, aussi sincère et aussi pur que l’engagement de deux personnes de sexe différent. J’en témoigne puisque j’ai déjà été mariée pendant plus de 20 ans.
Tout aussi croyante que je puisse être, je crois profondément en la séparation de l’Église et de l’État. Le débat sur le mariage qui fait rage actuellement concerne uniquement le mariage civil et non le mariage religieux. En ce sens, les chefs spirituels et religieux ne devraient même pas avoir voix au chapitre. Mais voilà qu’en raison de l’ouverture manifestée par des Églises comme l’Église Unie, des personnes de l’Alberta, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard et des Territoires du Nord-Ouest se retrouvent dans une situation pour le moins aberrante : celle de pouvoir recevoir les sacrements du mariage dans leur propre Église mais de se voir refuser l’accès à l’institution du mariage sanctionnée par l’État !
Les Églises jouissent de droits inaliénables et sont totalement libres de célébrer leurs sacrements comme elles l’entendent. « Les Églises », toutes dénominations confondues, ne peuvent plus prétendre parler au nom de la majorité. Statistiquement, il y a autant de personnes qui vont à la messe tous les dimanches au Canada qu’il y a de personnes homosexuelles, soit aux alentours de 10 %.
Récemment, à ma paroisse, à l’Église unie Saint-Pierre, a eu lieu le premier mariage entre conjointes de même sexe. Une des invitées hétérosexuelle m’a dit qu’elle avait découvert, pendant cette cérémonie, le sens de l’engagement et la pertinence de désirer s’unir dans un mariage…
Nicole Hamel est coauteure du livre L’Amour entre femmes dans l’Église catholique. Et CIEL parlait, ce serait l’ENFER ?
Nicole Hamel
Répondante pour l’inclusivité à l’Église unie Saint-Pierre à Québec
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Doc. : news·20050214·LS·0068